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CINE CLUB ... L'ÎLE VERTE
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9 janvier 2014

Un privé à Hollywood

La publication en mars prochain du dernier James Ellroy, Extorsion, constitue une bonne occasion de nous pencher sur cette figure des bas-fonds hollywoodiens qui en sera le personnage principal : Fred Otash. Mais qui est Fred Otash ? Inconnu au bataillon sur Wiki, un article de quelques lignes lui est néanmoins consacré dans la version anglaise de l'encyclopédie. En recoupant ces menues informations avec celles proposées sur le site du Hollywood Reporter, nous apprenons qu'Otash est né en 1922 et mort en 1992. Entre temps, cet ancien marines exerce d'abord le métier d'officier de police du LAPD à Hollywood, fonction qu'il quitte en 1955, suite à une altercation avec un supérieur. Comme dans tout polar digne de ce nom, Otash devient ensuite détective privé.

Otash officier

Il travaille d'abord pour l'agence Hollywood Research Incorporated (avant d'ouvrir le Fred Otash Detective Bureau) qui est en cheville avec des avocats réputés comme Melvin Belli (surnommé The King of Torts / le Roi du droit à la responsabilité) qui a pour clients des célébrités telles qu'Errol Flynn, Lana Turner, Mae West, Chuck Berry ou Jack Ruby. Belli a également joué dans une dizaine de films (généralement son propre rôle, excepté en 1968 pour un épisode de ... Star Trek !) et Jerry Giesler, un autre avocat des stars qui a défendu lui aussi les intérêts d'Errol Flynn (pour une accusation de viol), Robert Mitchum, Busby Berkeley (pour une accusation de meurtre), Charlie Chaplin ou encore le gangster Bugsy Siegel. A la demande de la mère de George Reeves, Giesler a repris l'enquête sur le prétendu « suicide » de Superman. S'il n'a pas fait de cinéma, il a néanmoins la particularité d'être entré dans le Guiness des Records comme « avocat le plus grassement payé au monde ». C'est lui qui, en 1954, a représenté Marilyn Monroe dans son divorce houleux avec le joueur de baseball Joe DiMaggio. En marge de ce partenariat légal, Otash travaille également en cheville avec le tabloïd Confidential fondé par Robert Harrison (qui a aussi servi de source d'inspiration à Ellroy dans le Quatuor de Los Angeles).

En 1958, à la requête de Giesler qui défend donc les intérêts de Lana Turner, Otash se trouve mêlé à la mort du gangster Johnny Stompanato, poignardé par Cherryl Crane, 14 ans, la fille de l'actrice alors maîtresse de la victime. Le détective aurait été chargé de retirer le poignard du corps de Stompanato, d'effacer les empruntes de Lana Turner pour les remplacer par celles de Cherryl et de remettre le couteau en place. L'adolescente a plaidé avoir tué le gangster pour protéger sa mère au cours d'une terrible altercation et a finalement été acquittée.

La même année, Phyllis Gates lui demande de rassembler des éléments prouvant l'homosexualité de son époux Rock Hudson. Dans le même « domaine », on peut également citer l'enquête qu'il a menée sur la vie privée du pianiste et chanteur Liberace (incarné récemment au cinéma par Michael Douglas).

En 1963, Judy Garland le recrute pour assurer sa protection après son divorce avec Sid Luft. Otash se lie d'amitié avec la sœur de Garland, Liza Minelli, et découvre le fort penchant de son employeur pour les pilules et l'état avancé de sa déchéance : « J'ai été choqué quand j'ai rencontré Judy Garland pour la 1ère fois. Ce n'était plus la petite fille dont je me souvenais, mais une femme grassouillette au visage bouffi. J'étais pas chez elle depuis deux jours quand j'ai compris qu'elle prenait un truc. Je ne savais pas si elle se défonçait ou si elle se bourrait la gueule, mais la plupart du temps, elle était clairement pas en état. » Après bien des efforts, Otash parvient à mettre la main sur la cachette où l'actrice planque son stock de drogue et le détruit. Lorsque l'actrice lui demande pourquoi il a fait ça, le détective répond : « Croyez-moi, la drogue et l'alcool sont les meilleurs pièces à conviction [que Sid] pourrait produire devant un tribunal. »

L'affaire la plus tristement célèbre sur laquelle il a travaillé reste celle liée à Marilyn Monroe et aux Kennedy. A la demande de l'acteur Peter Lawford, beau-frère de JFK et membre du Rat Pack, qui cherche à déterminer la nature de ses relations avec le président, Otash (qui de son côté allègue avoir initialement travaillé pour le compte d'Howard Hughes et Richard Nixon, alors en quête d'un moyen de discréditer le parti Démocrate, et être tombé "par hasard" sur Monroe) met l'actrice sur écoute. Info ou intox, il aurait eu en sa possession des enregistrements sur lesquels on entendrait ses rapports sexuels avec Kennedy. Otash prétend également détenir des enregistrements effectués le jour-même de la mort de Marilyn – une violente altercation entre l'actrice, Lawford et Bob Kennedy. Le lendemain, Lawford aurait prévenu Otash et lui aurait demandé de faire disparaître de la maison de Monroe toutes les preuves de sa mise sur écoute.

Confidential

Otash exerce la profession de détective privé jusqu'en 1965, année où sa licence lui est retirée par le Bureau des Détectives Privés de Californie, en partie à cause de ses accointances avec Confidential (qui sombrera peu après), mais également pour avoir trempé dans une sombre histoire de dopage impliquant plusieurs … jockeys. Il finit sa carrière en travaillant comme chef de la sécurité pour la société de cosmétique Hazel Bishop Inc. Bien sûr, tous les enregistrements d'Otash ont disparu, seuls subsistes ses dossiers comme preuve de ses activités secrètes.

Décrit par le journaliste Mike Wallace comme « l'homme le plus amoral qu'il ait jamais interviewé », Fred Otash a servi en partie de source d'inspiration au scénariste Robert Towne pour la création du héros de Chinatown (1974), Jake Gittes, incarné par Nicholson. Enfin, il a joué quelques petits rôles dans des films qui ne sont pas passés à la postérité : The Great Sex War de Norman Foster (1969), The Executioner de Duke Mitchel (1978) et est intervenu dans un certain nombre de documentaires.

Interviewé à plusieurs reprises par Ellroy peu avant sa mort, Fred Otash est déjà apparu comme personnage secondaire dans deux de ses romans, avant de tenir le rôle principal dans la nouvelle Shakedown et désormais le roman Extorsion à paraître. Vu le portrait du gaillard et sa vie pour le moins romanesque, on comprend que l'écrivain n'a eu aucun mal à intégrer à son panthéon d'enquêteurs borderlines un homme qui avait pour devise : « I'll work for anybody but communists. I'll do anything short of murder. »

otash

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Commentaires
M
Dispo depuis mars, le synopsis d' Extorsion : Ex-policier reconverti dans la surveillance, l'extorsion et le chantage, pourvoyeur de scoops pour le magazine Confidential, Fred Otash croupit au purgatoire. Les autorités célestes lui proposent une "remise de peine" s'il écrit ses confessions... avec l'aide d'un auteur nommé James Ellroy.<br /> <br /> <br /> <br /> Les "autorités célestes" doivent aussi aimer les histoires croustillantes !
M
J'ai pas encore fini Hellzapoppin (j'en suis à la moitié), mais j'ai adoré ce que j'ai vu pour l'instant. En revanche, j'ai vu La Comtesse il y a quelques années que j'ai trouvé très bien (comme la plupart des films de Delpy, même dans le registre de la comédie). Le prochain article est en gestation. Trouvé le remake de Psychose réalisé par Gus Van Sant en 1998 pour 0,99 euro que j'avais pas revu depuis. Suis bien tenté par une comparaison avec l'original ... A voir.
M
Sérieusement, un bon billet sur un personnage dont le nom ne me parle pas même si j'avais déjà lu des articles où il apparaissait peut être dont un sur la partouze de Marylin avec les frères Kennedy et l'intervention de plusieurs personnes pour faire disparaitre les preuves. Pas impossible que le prochain Elroy soit adapté un jour. Hellzapoppin tu as aimé ? Je crois que le titre est un jeu de mot, ce soir j'ai regardé Comtesse de Julie Delpy, l'histoire de la comtesse Bathory, très bien, film historique flirtant avec l'horreur et un portrait de femme libre dans un monde protestant bien étouffant.
M
Pour réchauffer un peu l'ambiance, je ferai ma prochaine chronique sur Hellzapoppin ! Ceci dit la bio d'Otash a de quoi nourrir un film. Je n'en avais jamais entendu parler et toi ?
M
Je n'ai pas encore rangé les guirlandes de noël que nous replongeons avec délices dans les poubelles d' Hollywood, l'année ne démarre pas dans la poésie. Je vais revoir Bambi !
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