La Comtesse (The Countess) film franco-allemand de Julie Delpy (2010)
Dans l'austère Hongrie du XVIe siècle, la comtesse Elizabeth Bathory, jeune, veuve et riche, va vite apprendre à gérer au mieux ses domaines et devenir la femme la plus puissante du royaume. Ce statut si particulier à l'époque va déclencher la crainte, l'admiration ou la jalousie. Elizabeth tombera éperdument amoureuse d'un jeune noble, Istvan Thurzo - Daniel Brühl (Good Bye Lenin! Rush...), la relation s'achevant brutalement sous la pression du pére d'Istvan, joué par William Hurt, va laisser la comtesse abattue et frustrée, proche de la folie, persuadée que son âge est la cause du départ de son jeune amant. La blessure d'une de ses caméristes va la persuader que la réponse à sa peur de vieillir est dans le sang des jeunes vierges, déclenchant avec l'aide de sa confidente un peu sorciére, une longue suite de disparitions et de crimes dans toute la région ...
J'avais raté le film à sa sortie mais mémorisé l'affiche, séance de rattrapage via le DVD pour cette figure dont la réalité historique disparaît peu à peu dans les récits populaires dès le XVIIIe siècle, sa redécouverte par le austro-hongrois Sacher-Masoch au XIXe siècle, la fait basculer de l'incarnation de la vanité de la jeunesse éternelle vers un personnage plus ambigu dont s'emparera le cinéma pour des résultats moyens, mixant vampirisme et érotisme soft, avec Comtesse Dracula, Peter Sasdy (1971), un Hammer tardif avec la sexy Ingrid Pitt (Falstaff, Wicker Man ...) ou le troisième des Contes Immoraux, W Borowczyk (1974) avec Paloma Picasso dans son unique rôle au cinéma ; la bande dessinée avec La Comtesse rouge, Erzsebet Bathory, Georges Pichard (1985) ; le rock métal ; les jeux vidéo ... faisant d'elle à tout jamais, la Comtesse sanglante, un pendant féminin de Dracula ou de Gilles de Rays, le vampire de Bretagne, qui inspirera Barbe Bleu et l'Ogre des contes de Perrault. La vie de la comtesse et du maréchal de France faisant toujours l'objet de recherches chez les historiens médiévistes.
En privilégiant une vision historique qui n'occulte rien de ses crimes, le film a l'intérêt de présenter la comtesse Bathory comme une figure romantique, mais surtout comme une figure de femme intelligente, cultivée, puissante et indépendante, il devient difficile de ne pas éprouver de la sympathie pour cette comtesse jalousée par les nobles qui se partageront ses domaines après sa condamnation a être emmurée vivante dans son château et sa mort quatre ans plus tard en 1614.
Julie Delpy, qui signe ici sa deuxième réalisation après la comédie Two Days in Paris (2007), et là encore la musique et le rôle principal, livre un récit et une mise en scène d'une belle rigueur servie par une superbe photo "peinture classique" du néerlandais Martin Ruhe (chef opérateur des films d'Anton Corbijn). Une grande partie de l'intérêt du film se trouve dans la description de la lente folie d'une femme terrifiée par sa déchéance physique. Dès l'ouverture du film et l'évocation de la jeunesse de la comtesse, les références à la putréfaction et à la mort sont nombreuses (avez-vous essayé, à six ans, de planter en terre un poussin vivant pour voir s'il en pousserait une graine ?), mais sans jamais sombrer dans le gore ou le convenu. Il en ira de même de l'incontournable scène du bain de sang, mélange de réalisme classique et d'esthétique de l'horreur. Julie Delpy offre une performance impressionnante dans un rôle difficile et l'image de son visage glacial envahit peu à peu par les stigmates du temps qui passe hantera longtemps vos nuits.
Le Prez