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CINE CLUB ... L'ÎLE VERTE
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7 novembre 2013

Hollywood Babylone, Kenneth Anger, Ed. Tristam (2013)

Hollywood Babylone est un livre doté d'une réputation sulfureuse, naviguant entre récit à scandale et journalisme sensationnaliste, qui dévoilera sous vos yeux ébahis la face cachée du Hollywood de l'Âge d'or à la fin des années 1950.

Son récit avait déja fait l'objet d'une sortie en 1959 chez Jean-Jacques Pauvert (l'éditeur de Sade) alors que Kenneth Anger vivait à Paris et régalait les journalistes des Cahiers du Cinéma d'anecdotes croustillantes. Il sortira en version expurgée aux Etats-Unis en 1965, déclenchant un énorme scandale. Il faudra attendre 1975 pour une ressortie officielle et 2013 pour la France (nous avons appris à être patients).

Couverture

Kenneth Anger a réalisè en indépendant une quarantaine de courts-métrages qui développent tous une imagerie mêlant surréalisme, culture gay et occultisme. Son influence est citée par des réalisateurs comme Martin Scorsese, David Lynch ou John Waters.

Né Kenneth Wilbur Anglemyer en 1927 à Santa Monica en Californie, élevé par une grand-mère costumière de cinéma, une apparition en 1935 dans Le Songe d'une nuit d'été de William Dieterle et Max Reinhardt. Découvrant son homosexualité en 1940 (à une époque où elle était encore illégale aux États-Unis), il quitte sa famille, change son nom en Anger, commence à suivre des cours de cinéma et à expérimenter la drogue. Son premier court-métrage pro Fireworks (présenté au Festival du Film Maudit de Biarritz en 1949) lui vaut un procès pour obscénité en Californie, mais aussi d'être remarqué par Alfred Kinsley, le célèbre sexologue américain, et Jean Cocteau. Il deviendra « l'un des premiers réalisateurs publiquement gay d'Amérique, et certainement le premier dont l'œuvre aborde l'homosexualité de manière franche et personnelle ».

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Fasciné par le mythe hollywoodien et son envers glauque, il collectionnera tout au long de sa vie les coupures de presse issues des revues à scandales des années 50 comme Confidential (qui inspirera à James Elroy son titre pour L.A.Confidential), la premiére du genre, vite imitée par une foule de titres : Hush-Hush, Uncensored, Naked Truth, Rave, Private Affairs, Revealed, Side Street, Exposed, The Lowdown, Exclusive, Blast, Inside... Ces revues, basées sur la côte Est, loin des pressions des studios, ne faisaient que reprendre à une échelle industrielle la tradition des chroniques à scandales de la presse de William Hearst (The Mirror) ou de GraphiC son précurseur bas de gamme des années 20, plus généralement de la presse moralisatrice et réactionnaire américaine.

Toute cette histoire démarre avec le triple scandale Fatty Arbuckle-Taylor-Reid. Sexe, assasinat et drogue, le ton était donné, Hollywood serait la cité de tous les vices.

Fatty Arbuckle, star comique de la Paramount, mis au ban de la profession en 1921 après avoir organisé une "party" a l'issue de laquelle on retrouva la jeune starlette Virginia Rappe morte après avoir été violée avec une bouteille. Aucun des quarante joyeux fêtards ivres morts appelés à témoigner ne put se rappeler de quoi que ce soit. Fatty fut acquitté après trois procès, mais sous la pression des tabloïds sa carrière fut brisée.

William Desmond Taylor, président de la Screen Director's Guild, retrouvé assassiné le 1er février 1922. L'enquête, qui fuitera dans tous les journaux du pays, révèlera qu'il entretenait des relations simultanées avec Mabel Normand et Mary Miles Minter, qu'il collectionnait les dessous féminins brodés et que son budget cocaïne annuel approchait les 2000 dollars.

Wally Reid, jeune premier de la Paramount, sevré de force en cellule capitonnée, sur "recommandation du studio", pour cacher son addiction à la morphine. Epuisé physiquement, privé de traitement, il mourra en 1922.

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"Le public de l'époque voulait nous voir vivre comme des rois et des reines. Alors c'est ce que nous faisions - et pourquoi pas ? " dira Gloria Swanson et la fête continua tout le long des années vingt, consacrant les modes de vie des nouveaux dieux avec leurs châteaux de rêve hispano-mauresques qui poussaient sur les collines, Le Falcon Lair de Rudolph Valetino et sa chambre de marbre et de cuir noir, la baignoire en or de Gloria Swanson et sa Lancia capitonnée de léopard (visible dans Sunset Boulevard)... L'histoire continue ainsi sur trois décennies, malgré les clauses morales rajoutées aux contrats et l'arrivée de Will H. Hays, un politicien issu de la Bible Belt et futur créateur du code Hays, appelé par les patrons des studios pour tenter de moraliser les films et la vie des stars dans une Hollywood devenue la capitale mondiale du cinéma et qui continuait d'attirer les personnages les plus douteux du pays : gangsters, dealers, escrocs, extorqueurs, détraqués en tous genres et de nombreux jeunes naïfs. Toute tentative sera vaine face à une presse avide de scandales et un public qui finira par s'habituer aux turpitudes de ses vedettes préférées.

"Les américains aiment lire aux sujet des choses qu'ils n'osent pas faire eux-mêmes."

Le livre produit un curieux effet entre fascination et écoeurement, mais au fil des pages vous en apprendrez plus sur le goût de Chaplin pour les très jeunes débutantes, la vie de Rudolph Valentino, les orgies fastueuses filmées par Erich Von Stroheim sur les plateaux MGM pour se venger de la mutilation de ses films par Thalberg et Mayer, le suicide du mari de Jean Harlow deux mois après leur mariage, le journal intime de Mary Astor, l'étrange mort de Thelma Todd (star des comédies de Hal Roach), les plaintes pour viol contre Errol Flynn, la mise en scène ratée du suicide de Lupe Velez, ex-épouse de Johnny Weissmuller, la relation tragique de Lana Turner et du gangster Johnny Stampanato ...

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Lana Turner et Johnny Stompanato

Le livre est richement illustré à partir de la collection personnelle de Kenneth Anger. Un tome 2 reste à sortir en attendant un improbable tome 3 consacré aux vedettes contemporaines, mais qui poserait trop de problèmes selon Kenneth Anger, car impliquant Tom Cruise et l'Eglise de Scientologie.

Disponible à la médiathèque Fellini.

Sur le même sujet, nous vous recommandons : Full Service, de Scotty Bowers et Les Secrets de Hollywood, de Patrick Brion

Pour essayer d'être complet on peut lire la critique de François Forestier du Nouvel Obs (Les 101 Nanars, Le retour des 101 Nanars) qui pense que le récit trafiqué par le premier éditeur américain n'est qu'un tissu de rumeurs invérifiables... http://cinema.nouvelobs.com/articles/27284-l-humeur-hollywood-babylone-francois-accuse-kenneth-anger

 

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Commentaires
M
Propose à la médiathèque Fellini de l'acheter si tu n'as pas épuisé tes propositions...
M
Dans un registre similaire, je viens de lire dans les Inrocks la critique d'un bouquin de Don Carpenter "Strass et paillettes - Souvenir", publié en 1985 et réédité par Cambourakis. Ca a l'air vachement bien et pour le coup, il s'agit d'une fiction qui "ressuscite l'atmosphère décadente de la fin des sixties et brosse le portrait d'un business brutal et excitant, vénal et palpitant. Hollywood.
M
hmm l'expression était peut être mal choisie, disons respectueux des carrières et des rôles mais désireux de lever le voile sur une vie privée moins connue, un mélange de respect et de curiosité.
M
Ellroy traite en partie ce côté "scandale" à Hollywood dans L.A. Confidential avec le personnage de Jack Vincennes (flic corrompu qui sert de consultant pour une série télé sur la police) et Sid Hudgens, le rédacteur en chef du tabloïd Hush, hush. Je trouve toujours ça fascinant lorsque quelqu'un du milieu dévoile l'envers du décor et présente les stars de cinéma sous leur vrai jour. Par contre, je me demande comment un livre peut être à la fois "respectueux" et "indiscret" ...
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